AU PAYS D’AUGUSTO SANDINO

Un voyage un peu spécial dans  un pays que nous n’avions jamais rêvé de visiter, le Nicaragua, pour une occasion complètement inattendue : le mariage de notre fille aînée Véronique et de son fiancé, Danilo Rosales Diaz, tous deux vivant pourtant actuellement à New-York.  Ce pays n’était pas dans nos projets touristiques; si nous avions adoré un pays  proche pourtant aux prises avec des violences terribles à l’encontre de son peuple, le Guatemala, où nous avions participé à un colloque international « contra la impunidad » organisé par la CSI, nous avions été un peu déçus du plus proche voisin costaricain où les magnifiques paysages n’étaient pas parvenus à nous faire oublier l’absence de villes ou villages réellement intéressants et d’attraits culturels particuliers.

Un voyage aussi un peu spécial pendant lequel nous allions faire la connaissance de nombreuses personnes, dont les membres de la famille de Danilo et des amis du couple provenant de nombreux pays différents.  Notre autre fille, Maude, son conjoint Patrice et leurs enfants, Victor et Mathilde seraient aussi de la partie, de même que Michel, le frère de Marie, et sa conjointe Justine.  Et nous ne mentionnons pas non plus quelques ami-e-s de Véronique que nous connaissons dans certains cas depuis longtemps et que nous aimons beaucoup.

Ordinairement, Marie et moi voyageons ensemble certes, mais couple solitaire, et forcément solidaire comme étrangers parmi les locaux, dans des contrées où nous sommes plus spectateurs qu’acteurs et où nous avons quand même des contacts restreints.  Un peu d’appréhension certes, mais surtout des attentes particulièrement grandes…

Une arrivée chaotique

Partis de Montréal le 27 décembre en début de soirée, nous arrivons à Managua au début de l’après-midi le lendemain.  Danilo et Véronique nous attendent à l’aéroport pour nous souhaiter la bienvenue.  Même si j’ai procédé la veille à mon enregistrement en ligne pour une petite Yaris louée chez Hertz un mois auparavant, elle n’est évidemment pas disponible et ils doivent la faire venir de Managua.  On me dit d’aller prendre un café en attendant, tout en insistant pour que je loue un 4X4 compte tenu de l’état des routes où je me rends; je refuse, car c’est le double du prix.  On en profite pour acheter une carte SIM pour notre cellulaire débloqué.

Mais je commence à m’impatienter, car nous avons trois heures de route selon le proprio de la villa que nous avons louée, et il est déconseillé de rouler de nuit; or la nuit tombe à 17 :30 à cette époque de l’année.  Malchance, la voiture qui venait de Managua est impliquée dans un accident; alors, on me « surclasse » et j’ai un gros pickup indien, un Mahindra diésel 4X4 à double cabine pour le prix de la Yaris.  On me dit que si je peux revenir le lendemain, on aura une Yaris; mais je leur dit que je ne reviendrai pas dans les environs avant 3 semaines (un fou ! évidemment que j’éviterai l’aéroport et l’échange pour la Yaris ).

Et nous partons donc,  avec les bagages sur le siège arrière de la cabine du pick-up, pour Rancho Santana, un complexe « sécurisé » sur les bords du Pacifique, comme on trouve en Floride, mais beaucoup plus vaste et très peu peuplé.  Le GPS ne semble pas vouloir fonctionner malgré la carte du Nicaragua que j’ai achetée; nous suivons donc  l’itinéraire décrit par notre proprio; on s’égare un peu, mais on se retrouve avec le GPS qui donne quand même quelques indications.  Nous faisons attention, car sur notre itinéraire il est écrit de se méfier des agents de la circulation retors qui arnaquent les touristes près de Masaya où nous passons; mais évidemment, il y en a un qui nous fait signe de sortir de la filée des six autos qui se suivaient et qui nous somme de lui donner 100$US. Car nous avons franchi la ligne continue du centre et il peut enlever mon permis de conduire, à moins que j’aille à la banque à Managua payer la contravention; évidemment, tout est faux dans ses accusations, car j’étais dans le milieu d’un groupe de voitures qu’il a laissé filer, puisque nous étions les seuls touristes.  Protestation de notre part, refus de payer le bakchich  et Marie téléphone à Danilo pour lui demander conseil; celui-ci, qui est justement avec son père, juge à la cour suprême, veut nous passer son paternel pour qu’il parle à l’agent retors.  Mais lorsque Marie tend le téléphone à ce dernier, il  le refuse, me remet mon permis et nous crie de partir, même s’il n’a pu comprendre un mot de la conversation en français entre Danilo et Marie : pas la conscience et la confiance très assurées !  Mais pour le reste du voyage, je resterai, avec raison comme nous le verrons plus tard, toujours nerveux dès qu’un flic apparaît à l’horizon sur le bord de la route…  Dommage pour un pays par ailleurs si chaleureux… Finalement, nous arriverons à Rancho Santana à la nuit tombée, après une dernière heure de route éprouvante sur un chemin cahoteux et très sombre où des gens se promènent à pied sans aucun réflecteur ou autre indice de présence.  La peur constante d’en frapper un…

LA CÔTE MÉRIDIONALE DU PACIFIQUE

Rancho Santana

Le lendemain, nous nous levons en ayant la surprise de découvrir que de notre chambre nous pouvons contempler le Pacifique de deux côtés.  La villa est merveilleuse, logée dans la montagne qui domine la mer au loin.  Nous avons une deuxième chambre qui recevra tout d’abord la mère de Danilo, Nilda Diaz (que nous avions eu le bonheur de rencontrer l’été dernier), et ensuite Véronique et Danilo.  Pour aller à la mer, nous devons prendre le véhicule, mais nous y sommes en cinq minutes (sans aucune circulation, et vive le 4X4 !) et avons le choix de plusieurs plages dans un rayon de 5 kilomètres.  Nous adopterons rapidement la Playa Escondida, magnifique demi-lune de sable doré (plutôt rare dans ce pays de volcans et de plages plutôt grises ou noires) enclavée dans des falaises.  Et surtout, nous y serons toujours seuls sauf lorsque nous amènerons Véronique et certains de leurs amis français.

Pendant note séjour à Rancho Santana, nous aurons une vie sociale bien remplie et fort agréable avec Nilda, Véronique, Danilo et tous ses ami-e-s français forts sympathiques et engagés politiquement ou syndicalement.  Des discussions passionnantes; un fait rare dans nos périples, où nous sommes généralement seuls parmi un océan de « locaux ».  Nous mangerons plusieurs fois à leur villa « Los Cinco Banditos », probablement un qualificatif pour les proprios américains et canadiens !  Et nous ferons de la plage et irons aussi manger au Beach Club House où le service est pourri, la bouffe parfois fabuleuse, parfois quelconque, mais la vue sur la mer incroyable.  Nous aurons aussi la joie d’y rencontrer  le père de Danilo, Jose Francisco Rosales Arguello, et son épouse Ruth qui auront pris la peine de rouler plusieurs heures par des routes très difficiles pour nous serrer « la pince ».

Par ailleurs, le groupe d’ami-e-s français aura aussi la gentillesse involontaire de nous distraire par leurs aventures malencontreuses : un soir Purya se fait piquer par un scorpion, le lendemain Valérie voit un de ses ongles arraché par la selle de son cheval et celui monté par Aude s’emballe et est frappé par une voiture, et finalement, le surlendemain,  David se fait « harponner » par une raie.  Sans compter qu’ils sont toujours dans l’attente d’un d’entre eux retenu en Europe, car il n’a pas un passeport « biométrique » requis par les USA par où il doit transiter, et d’un autre retenu  à New-York parce qu’il a égaré le sien…  Mais tous viendront, même seulement pour quelques jours, assister au mariage de leur ami Danilo; je ne sais si ce fait parle plus de leur générosité ou la qualité de l’amitié qui les lie avec Danilo, mais c’est admirable…

Rivas

Notre villa se situait à près de 45 minutes (à la lumière du jour) d’une jolie petite ville, Rivas, chef-lieu de la région et endroit pour faire les courses (les petits déjeuners et les lunchs à la villa) et le plein d’essence et de vin (au Nicaragua, les stations d’essence vendent l’alcool !).  Nous sommes surpris par la coquetterie des maisons et de la grande place, même si tout ne respire pas la richesse; c’est d’ailleurs la même chose en général dans les campagnes où les maisons, souvent très pauvres et mal construites, sont quand même coquettes, entourées de fleurs et les terrains qui les entourent très propres.  Généralement, la coquetterie s’accommode mal de la pauvreté; mais il faut croire que les nicaraguayens sont fiers.  Je crois d’ailleurs que cette fierté a dû naître de l’action du front sandiniste  qui, même pendant les guerres contre Somoza et plus tard les contras, prenait le temps d’alphabétiser les villes et les campagnes (voir d’ailleurs le film de Ken Loach: « Carla’s Song »).

Aujourd’hui, ce pays, le plus pauvre après Haïti en Amérique semble-t-il, a un niveau d’alphabétisation de près de 85%, le plus élevé de la région.  Mais comme nous le faisait remarquer Lambert, un ami de Véronique qui, outre l’enseignement à l’UdeM, pratique la médecine à Haïti, il y a un abime entre les deux pays; la présence d’un état fort et d’un gouvernement maintenant  « social-chrétien » fait toute la difference.

Sans m’attarder sur le sujet de ce gouvernement élu « pour le socialisme et le christianisme » (sic), il est assez pragmatique pour avoir fait une alliance avec l’église catholique, mais en partie sur le dos des femmes les plus pauvres cependant: la loi sur l’avortement y est une des plus rétrograde au monde (même l’avortement thérapeutique y est prohibé), mais évidemment les femmes riches peuvent s’envoler vers des cieux plus compréhensifs.  Il faut croire que pour les vieux révolutionnaires marxistes: « Paris vaut bien une messe ! », surtout lorsque ce sont les femmes qui doivent y asssister !  Mais entre eux et les libéraux, la question ne se pose même pas selon moi; rien n’est donc parfait et on ne peut qu’espérer que la révolution continue en faveur de cette majorité féminine trop souvent brimée.

L’isla Ometepe sur le lac Cocibolca (Lago Nicaragua pour les conquistadores)

Et Marie et moi décidons de faire une excursion sur l’immense lac Cocibolca vers l’isla de Ometepe, une île en forme d’haltère dominée de chaque côté par des volcans parfaitement coniques, l’imposant Concepcion (1610 m.) et le nébuleux Maderas (1394 m.).  Nous hésitons quand même à effectuer la traversée, car les nuages et la brume masquent passablement les volcans lorsque nous arrivons au débarcadère.  Mais devant la perspective de devoir refaire la route difficile entre Rancho Santana et Rivas pour s’y rendre, nous prenons un ferry qui est quand même fortement secoué par les vagues soulevées par les forts vents qui dominent en cette période de l’année.

Sur l’ile, nous retenons les services d’un guide avec sa camionnette pour visiter certaines attractions locales assez quelconques finalement; même la visite d’une plage, sensée être magnifique, est ternie par la disparition complète de cette plage lorsque les forts vents poussent  les eaux du lac jusqu’aux murets protecteurs, et ce jusqu’en avril.  Le clou de la visite devait être la vue des deux magnifiques volcans qui malheureusement demeurent passablement couverts, même si nous percevons en partie leur forme conique régulière.

C’est lors de la traversée de retour, à peine moins secoués qu’à l’aller, que nous aurons cependant la vue  du majestueux volcan Concepcion; le coucher de soleil aidant, nous aurons donc droit à un spectacle grandiose, d’autant plus que le Maderas se dégage aussi quelque peu et que nous pouvons voir la silhouette unique de cette île dominée par ces deux volcans.

Playa Pie de Gigante (Pied de Géant)

Même si le domaine « sécurisé » de Rancho Santana est fort joli et ses plages merveilleuses, nous ne résistons pas non plus à la tentation d’effectuer une autre excursion avec notre Mahindra vers un village de pêcheur des environs et sa plage attenante.  La route pour s’y rendre est difficile et nous profitons bien de notre 4X4.  Nous y passerons un après-midi délicieux à regarder les pêcheurs préparer leurs bateaux pour la pêche, tellement chargés à raz-bord de nourriture, de filets et autres gréements, qu’on se demande comment ils pourront ramener du poisson.

La plage y est peu fréquentée en cette période de l’année par les locaux, et seul un groupe de jeunes touristes, amateurs de surf et de soleil peu coûteux,  y déambule.  Nous y finirons notre brève escapade avec un petit goûter,  attablés à une terrasse fréquentée par les habitants de la place.  Doux pays, calme et coquet ! Et pourtant, il a été si martyrisé par l’amour excessif que lui ont porté et lui portent malheureusement toujours les américains et leurs fantoches dictateurs, sanguinaires et mégalomanes…

Vous pouvez consulter les photographies de cette partie de notre périple nicaraguayen au site suivant (il faut cliquer sur la première photo ):

Nicaragua, la côte méridionale du Pacifique

… tout en écoutant « No pasaran » par Carlos Mejia Godoy, tiré de l’album « Songs of Revolution » (il faut parfois patienter une couple de minutes pour ce chargement !):

Carlos Mejía Godoy Songs of Revolution No Pasarán

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