AU CŒUR DU NICARAGUA, AUX PORTES DE L’ENFER…

Après notre séjour dans la jungle et une brève étape à Granada sur le chemin du retour, nous entreprenons la dernière semaine de notre voyage en nous rendant tout d’abord à Managua.  Je programme le GPS pour le petit hôtel où nous avons réservé une chambre, Los Piňos.  En fait, il y a une autoroute qui relie Granada, Masaya et Managua et qui se fait facilement en une heure de voiture.  

Nous arrivons dans le quartier de l’hôtel, mais là les informations du GPS, la carte du Lonely Planet et les indications ne concordent pas.  Finalement, le gardien de sécurité d’un hôtel nous indiquera la direction précise et une fois face à l’hôtel, je programmerai à nouveau le GPS pour qu’il retrouve cette exactement position à l’avenir.  Nous venons en fait de découvrir qu’à Managua, comme dans de nombreuses villes nicaraguayennes, les rues n’ont pas de nom et donc qu’il y a encore moins de numéros civiques aux portes.  « Tournez à droite dans deux blocs, à gauche dans la rue du poste Esso , etc… »  Un GPS s’y perd…

 Managua ne nous attirait pas particulièrement, mais nous voulions revoir Véronique et Danilo avant qu’ils partent pour leur voyage de noces à Carthagène. 

 Managua n’est pas très sécuritaire dans plusieurs quartiers pauvres, contrairement au reste du pays mais comme tant de grandes villes; d’ailleurs, c’est seulement dans cette ville où nous verrons des bidonvilles moins propres (un peu dans l’extrême périphérie de Granada aussi).  Nous décidons donc de passer l’après-midi à visiter les principaux sites touristiques de Managua, mais compte tenu de l’impossibilité de se fier à un GPS dans une ville aux rues sans nom, nous réservons par l’hôtel un taxi avec un chauffeur qui s’y connait un peu et qui est fiable.   

Il est parfois difficile de voir que nous sommes dans une ville de près de deux millions d’habitants, car il y a peu d’édifices en hauteur,  il y a des arbres partout,  les rues sont très rarement droites et  il n’y a plus de centre-ville depuis le tremblement de terre de 1972.  Malgré ou à cause de cela, Managua un certain charme même si la ville ne vaut probablement pas le voyage jusqu’au Nicaragua.

 Nous débutons notre visite par le Parque nacional Loma de Tiscapa sur le faîte du volcan du même nom, qui d’ailleurs surplombe un cratère qui renferme un lac.  Ce parc domine la ville et nous pouvons y contempler un magnifique panorama qui comprend le grand lac Managua et au loin une série de volcans, dont le majestueux Momotombo au délà de la péninsule de Chiltepe.  Le parc lui-même est dominé par une immense silhouette en métal de Sandino (le père des révolutionnaires nicaraguayens qui lutta pour le retrait des marines américains et de leurs dictateurs fantoches),  qui a peut-être une grande valeur sentimentale ou politique, mais certes pas artistique.  Il est complété par un petit mémorial consacré à l’auguste Sandino.  Notre chauffeur de taxi, qui était entré avec nous, semblait très bien connaître la vie de ce héros et corrigeait Marie sur des erreurs d’interprétation des photos présentées.  

Puis nous nous dirigeons vers le port, lieu pas très sécuritaire le soir semble-t-il,  mais d’où nous pouvons admirer le lac et les volcans en arrière plan.  Un jeune  Elvis Gratton «Think Big hostie ! » nous apostrophe au grand déplaisir de notre chauffeur, et évidemment il déblatère sur son pays, car il vit à Miami « lui » !  Plus comique qu’autre chose pour nous qui avons  vu le film de Falardeau.  On peut aussi penser à Memmi et à son portrait d’un colonisé…  En contraste frappant avec tous les nicaraguayens rencontrés qui sont toujours dignes et fiers.

Nous rendons ensuite dans ce qui était autrefois le centre de la ville avec la cathédrale, tellement ébranlée par le tremblement de terre qu’elle est condamnée, les clochers encore érigés, mais complètement fissurés.  Il s’agit d’une belle place cependant avec d’un côté la Casa del Pueblo, palais présidentiel pour les cérémonies,  de l’autre le Palacio de la Cultura.  Nous ferons une couple d’autres arrêts dont un devant le Stade Denis Martinez, l’ancien excellent lanceur des Expos, un héros ici où le baseball est le sport national.  Et un autre à un site archéologique où on peut voir de nombreuses traces de pas de personnes fuyant une éruption volcanique il y a cinq mille ans.  Et en finale, la nouvelle cathédrale de béton qui ressemble un peu à une mosquée (l’influence des nouvelles relations du Nicaragua avec l’empire des ayatollahs ?), mais qui cependant nous réserve une surprise avec une nef  lumineuse et très dépouillée. Un après-midi intéressant, même si Managua ne nous a pas conquis pour autant.  Et merci à ce chauffeur de taxi inconnu désireux de nous faire connaître son pays et sans cacher pour autant son parti-pris pour le FSLN : l’antithèse de l’obséquiosité, tout en vivant du tourisme.

Véronique et Danilo nous rejoignent à notre hôtel afin que nous les suivions avec notre voiture pour un souper familial dans un resto chic un peu en dehors de la ville, « La Casserole ».  Nous y passons une soirée délicieuse avec aussi la présence de Nilda, Carmen, Francisco et leurs enfants.  Le lendemain, les nouveaux mariés s’envoleront pour deux semaines à Carthagène afin «  de travailler sur la descendance, dixit Danilo ».

De notre côté, nous reprenons l’autoroute vers Masaya et son volcan où on peut s’approcher d’un cratère encore fumant (et la lave bouillonnant dans le fond semble-t-il !) surnommé « Les portes de l’enfer ».  Nous roulons donc seuls sur une portion bien entretenue de l’autoroute Managua-Masaya, sans trafic, jusqu’à ce qu’un digne agent de la circulation nous fasse signe de nous ranger sur l’accotement; et alors il nous dit que nous avons franchi une ligne continue.  Pas très futé mais très à l’affût d’un gain facile, il nous a apostrophé à un endroit où à perte de vue, à l’arrière comme à l’avant, il y a malheureusement pour lui une ligne pointillée.   En outre, comment dépasser un véhicule alors que nous étions absolument les seuls sur la route !  

J’oublie les convenances, et je hurle, plus que je parle dans un espagnol pour le moins approximatif, qu’on ne peut avoir franchi une ligne qui n’existe pas et je demande à Marie de saisir le téléphone et de téléphoner à Francisco et à son père. Le digne agent devient  tout d’un coup inquiet devant ces proies qui s’annoncent coriaces, me tend mes papiers et nous fait signe de partir.  Décidément, le gouvernement nicaraguayen ferait bien de régler ce problème des agents de circulation corrompus du coin de Masaya s’il veut attirer le tourisme.  Même si finalement nous ne leur avons rien concédé du voyage, je dois admettre que c’est très désagréable de toujours être sur ses gardes.  On a beau comprendre la pauvreté et certains de ses effets, se sentir sujets à l’arbitraire demeure toujours désagréable…

Puis nous poursuivons vers le volcan Masaya.  J’y ai beaucoup admiré la vue des coulées de lave encore assez visibles et le panorama du haut du cratère jusqu’à la  laguna Appoyo d’un côté, et le lac Managua de l’autre. Par contre, le cratère, même si les fumerolles sont très visibles et nous prennent un peu à la gorge, est moins impressionnant que celui du Vésuve par exemple; c’est qu’on ne peut voir le fond masqué par des paliers…

Nous continuons vers le Mercado Viejo de Masaya, le plus grand marché d’artisanat du Nicaragua.  Très beau marché où nous ferons presque tous nos achats du voyage pour un prix modique, sans beaucoup marchander.  Je finis même par me faire prendre au plaisir du « shopping » que j’exècre pourtant énormément d’ordinaire.  Je crois que Marie a été surprise !

Puis, à l’aide du GPS nous nous dirigeons vers la laguna Appoyo, un lac de cratère presqu’encore sauvage et non-pollué malgré sa situation au cœur de  la région la plus peuplée du pays.  Mais le GPS m’oriente vers le cratère par une petite route impossible d’où nous finirons par nous extirper péniblement après plus d’une heure et demie de culs de sac dans la banlieue misérable de Granada, et grâce au fait que nous avons un 4X4; à un moment donné, j’ai bien cru que c’était là où se situaient les portes de l’enfer. 

Finalement, nous nous rendons à Catarina, un des beaux pueblos blancos, d’où nous rejoignons le pourtour du cratère de la laguna Appoyo.  Magnifique endroit, plein de touristes nicaraguayens qui s’amusent.  La vue y est dégagée et nous pouvons reconnaître  de très loin Granada qui s’étend. 

Et notre dernière soirée au cœur du Nicaragua, à Managua, a été particulièrement chaleureuse.  Nous avons été reçus à souper par Francisco et Carmen dans leur jolie maison, avec la présence de Nilda et de leurs enfants.  Une soirée comme nous avons rarement la chance de vivre en voyage !…  Nous avons quitté le cœur un peu triste ces gens que nous aimons beaucoup.  Pour le reste de notre voyage, nous retrouvons nos habitudes de couple errant solitaire…

Vous pouvez voir les photos de cette partie du voyage (en CTL-cliquant sur le lien ci-joint) : AUX PORTES DE L’ENFER !…

en écoutant ce chant nostalgique de résistant (en CTl-cliquant sur ce lien) : Luis Enrique Mejia Godoy : Juan Terremoto

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