LA SIBÉRIE : IRKOUTSK, LE BAÏKAL ET LE TRANSSIBÉRIEN
(Pour agrandir les photos du texte, cliquez dessus. Et excusez leurs imperfections, car outre du photographe, elles ont eu à souffrir des déformations des vitres des wagons.)
Dans cette troisième chronique sur notre périple transmongolien, je vous convierai à une petite visite d’Irkoutsk, l’ancienne capitale de la Sibérie maintenant détrônée par Novossibirsk. Et puis, nous profiterons d’une magnifique ballade automnale sur les rives du plus grand lac au monde, le Baïkal. Et enfin, je vous ferai part de quelques réflexions sur la partie transsibérienne de notre voyage ferroviaire, d’Irkoutsk à Moscou.
Mais auparavant, voici quelques mots sur le trajet d’Ulaanbaator à Irkoutsk d’un peu plus de
1000 kilomètres et d’une durée de près de 24 heures.
Dès la gare, même si elle n’est pas réservée aux premières classes, les touristes étrangers se retrouvent surtout dans la même petite salle d’attente. Et lorsque nous approchons de notre wagon, nous pouvons constater que notre grincheux concierge de wagon chinois a été remplacé par une provodnitsa russe beaucoup plus gentille, qui s’empresse de nous aider, et même de nous trouver plus tard un passager pour assurer la traduction russe-anglais. Les
provodnistas sont chargées de notre confort, nous fournissant informations (quoique c’est un peu limité puisqu’elles sont généralement unilingues russophones!), serviettes et literie, et se font un petit à côté en nous vendant souvenirs et amuse-gueules à prix très raisonnables.. Elles font le ménage des toilettes et douches et maintiennent le samovar en état de nous fournir de l’eau chaude en tout temps. Elles nous renseignent aussi sur les arrêts et leur durée.
Si nous avons l’avantage d’avoir des couchettes contigües, et non superposées,
nous avons en revanche l’inconvénient de toilettes à l’extrémité du wagon et de douches situées dans un autre wagon; d’ailleurs, je n’utiliserai ces douches que durant notre trajet Irkoutsk-Moscou. Le wagon restaurant est très éloigné du nôtre et nous devons traverser les 2èmes et surtout les 3èmes classes surpeuplées (dont nous devons
écarter les gens pour passer) lorsque nous nous y rendons ; nous pouvons aussi nous faire livrer nos repas dans notre compartiment, mais la bouffe n’a rien d’exceptionnel. Et nous devons payer en surplus, car cela n’est pas compris dans le prix de notre passage. Mais outre la provodnista, des vendeuses ambulantes sont souvent présentes sur les quais avec diverses denrées.
Au début, le paysage est celui que nous avons vu lors de notre
excursion avec Byamba et
Moodi. Théoriquement, une bonne partie du trajet longe le lac Baïkal; mais nous en avons parcouru une partie de nuit après un long arrêt aux douanes. Et par la suite, le mauvais temps s’est mis de la partie et nous ne pouvions admirer réellement le paysage.
IRKOUTSK
J’avais demandé à notre hôtel de nous envoyer une voiture pour nous cueillir au train; un
peu plus coûteux généralement, car le chauffeur doit nous attendre sur le quai et faire le trajet aller sans passager payant, mais tellement plus confortable lorsque nous arrivons dans une ville inconnue. Je dois dire que la bonne impression que nous avait laissé la gentillesse de notre provodnitsa s’est vue confirmée avec
ce chauffeur et le personnel de l’hôtel, tous très avenants (ces dernières parlant un très bon anglais). Il en fût de même au centre d’achat et dans les deux boutiques où nous sommes allés pour acheter des cartes SIM (très peu couteuses) pour nos Iphones, même si la conversation fût un peu plus difficile et que nous avons dû avoir un peu recours à Google Translate.
Fondée au XVIIème siècle, elle fût longtemps une ville du Far-East russe, aussi
indisciplinée que le Far-West américain,
jusqu’à l’édification du transsibérien. Elle est bâtie sur la rivière Angara qui s’écoule du lac Baïkal situé à 60 kilomètres au sud. Pendant la révolution bolchévique, les russes blancs y connurent leur Waterloo; elle me semble demeurer un foyer communiste assez fort, la statue de Lénine y demeurant très en vue sur son socle au centre-ville..
Le centre-ville, classé à l’Unesco, me parait cependant un peu froid avec ses grands 
édifices en pierre. Heureusement, quelques églises viennent y ajouter des teintes plus colorées. Pendant que nous y étions se déroulait la cérémonie du jour du souvenir en face
d’un grand édifice militaire, avec de jeunes cadets, garçons (surtout) et filles. Même si l’armée allemande ne s’est certes pas rendu ici, la ville a fourni son lot de soldats morts aux batailles de Moscou et de Léningrad. Et une coutume russe veut que les nouveaux mariés se rendent sur la tombe du soldat inconnu après la cérémonie de mariage (et pas seulement en cette journée du souvenir). Ce qui fût fait alors même que nous y étions!
Le centre-ville est aussi le quartier des grandes églises et cathédrales. Parlant des églises russes, elles sont de style byzantin, de Byzance (Constantinople) qui fût
le siège de l’orthodoxie chrétienne face à la Rome catholique. Sauf dans des cathédrales à l’occidental comme Saint Isaac à Saint-Pétersbourg, il n’y a pas de très grandes nefs, mais plutôt une foule de petites salles complètement décorées de fresques polychromes. Les icônes, tableaux d
e saints ou de saintes, sont de véritables objets de cultes, comme les reliques chez les catholiques. Leurs dômes en font des édifices particulièrement attrayants, et compensent pour leur structure un peu massive, plus près du roman que du gothique. La cathédrale de l’Épiphanie d’Irkoutsk que vous pouvez voir ci-contre est particulièrement attrayante. Les églises sont rarement vides, mais pas très fréquentées non plus. D’ailleurs, plusieurs ne sont que des musées, ou partagent leur vocation religieuse avec leurs obligations muséales (comme Notre-Dame de Paris d’ailleurs!).
Tout près du centre administratif et de ses grands espaces, on peut voir les traditionnelles
maisons en bois qui n’ont pas brulé lors de l’incendie de 1879, car
par la suite on a dû construire en pierre. De petits parcs agrémentent aussi ce quartier. De façon générale, peut-être à cause de la température maussade, il n’y
avait pas foule pour une ville de 600,000 habitants. Comme en Mongolie, les voitures qu’on y croisent ont pour la plupart le volant à droite, provenant du Japon et de Corée du sud; Poutine a fait adopter une loi pour interdire ces voitures dont la conduite est dangereuse sur des voies où on circule à droite, mais cette loi
semble absolument ignorée dans la lointaine Sibérie, comme nous en fait d’ailleurs part Anne Nivat dans son très passionnant livre : « Un continent derrière Poutine ? ». Mais bon, les transports en commun y semblent efficaces et les chauffeurs de taxis assez honnêtes. Irkoutsk est une ville intéressante à visiter, une étape obligée pour qui parcourt le Transmongolien ou le Transsibérien, et pas seulement pour sa proximité du Baïkal. Les contacts que nous y avons eus ont été chaleureux, avec une population assez jeune selon ce que nous avons pu constater. La bouffe est assez ordinaire (sauf en Chine, notre voyage n’aurait pu faire l’objet d’une émission sur le canal Évasion) , mais légèrement meilleure dans les restaurants géorgiens. Mais nous n’avons jamais choisi une destination en fonction de la gastronomie, même si nous avons apprécié le Périgord !
LE LAC BAÏKAL
Le lac Baïkal est le plus grand lac au monde : près de 650 kilomètres de long, par 80
kilomètres de large, il atteint jusqu’à 1600 mètres de profondeur. Son volume d’eau est équivalent aux 5 grands lacs nord-américains réunis. Mais il est dans une région sauvage de la Sibérie et ses alentours sont à l’avenant, Irkoutsk à 60 kilomètres étant de loin la ville la plus peuplée. Cette partie de la Sibérie, d’Irkoutsk jusqu’à Vladivostok, est assez accidentée et les paysages y sont superbes, surtout en automne. Comme le but de notre voyage n’était pas la vie dans une station balnéaire, nous avions choisi de demeurer à Irkoutsk et non à Listvianka (le Old Orchord du coin) ou à l’ile Olkhon, le rendez-vous des trekkeurs. Nous avons cependant profité d’ une excursion d’une journée pour contempler cette merveille de la nature.
Nous sommes partis tôt le matin en bus, avec des touristes chinois en très grande majorité. 
Nous suivons la route qui longe l’Angara dans une brume matinale qui se dissipe lentement. Et nous nous arrêtons à l’embouchure de l’Angara, dans lequel se jette le Baïkal, au milieu de nulle part,
sans l’ombre d’un bâtiment ou d’une structure. C’est pourtant de là que nous prenons un traversier, en jouant presqu’aux funambules sur un madrier qui sert de passerelle de la terre ferme jusqu’au petit navire. Mais que le paysage est grandiose avec ses couleurs automnales et la température fort agréable. Sur l’autre rive, à Port Baïkal, nous voyons arriver la locomotive à vapeur qui tirera nos wagons pendant les prochaines heures.
Port Baïkal n’est rien d’autre qu’un vieux quai et une gare pour un train touristique. Et le
paysage me fait alors penser à Charlevoix qui a d’ailleurs aussi son tortillard. Notre trajet en train le long de la rive nord du Baïkal est de 74 kilomètres et est ponctué de nombreux arrêts.
Les paysages qui défilent sont réellement magnifiques, impressionnants même. Peut-
être Charlevoix à l’automne, mais avec des sommets
enneigés sur l’autre rive, surplombant des collines dorées plus basses. Nous faisons quelques escales de quelques minutes à chaque fois; cela nous permet de nous dégourdir les jambes et aussi de prendre quelques photos sans le filtre teinté des fenêtres du train. Notre wagon est plein de
touristes chinois, et un jeune couple est assis face à nous. En voyage de noces, ils ne semblent pas pauvres et plutôt provenir de la classe dirigeante chinoise; elle a fait une maîtrise en pédagogie en Écosse
et parle donc un excellent anglais. Elle n’enseigne pas, mais travaille dans la fonction publique. Nous évitons un peu les sujets plus délicats, et c’est d’autant plus facile que c’était avant la crise sino-américano-canadienne à propos de Huawei Technologies. Et elle nous a
servi d’interprète sur ce qui se passait pendant l’excursion, car les annonces étaient en russe, en chinois et en anglais; mais lorsque le commentaire chinois se terminait, les chinois se mettaient à parler fort, comme ils le font souvent, pour commenter ce qu’on venait de leur annoncer. Alors, autant en apporte le vent pour l’anglais… La jeune femme traduisait pour nous ce qu’elle avait entendu. Rencontre quand même agréable où nous avons appris sur les us et coutumes des familles chinoises : notre jeune couple recevait automobile et habitation des familles comme cadeaux de noces. Et moi qui croyais que les enfants chinois devaient faire vivre les parents ! Décidément, ce n’est pas toujours le cas.
Le temps se gâte alors même que notre voyage touristique tire à sa fin. Mais nous pouvons 
quand même admirer la rive opposée et ses hautes montagnes que nous n’avions pas pu apercevoir lors de notre trajet d’Ulaanbaator à cause du mauvais temps. Le temps de changer notre locomotive à vapeur pour une électrique à Sloudianka, et nous reprenons les rails vers Irkoutsk alors que la pluie se met de la partie. Mais quelle magnifique excursion !
LE TRANSSIBÉRIEN
Puis nous reprenons notre route pour la plus longue portion de notre périple ferroviaire : nous traverserons presque toute l’Asie du nord, d’Irkoutsk à Moscou et l’Europe.
Soyons clairs : ce trajet, ce n’est pas l’excitation continuelle même si l’embarquement à Irkoutsk fût un peu rock’n’roll. Le train provenait de Vladivostok et ne faisait qu’un bref
arrêt. J’avais les valises, et Marie cherchait notre wagon avec nos tickets en main; mais nous nous sommes perdus de vue, et pour ma part je cherchais en vain le numéro du wagon en courant sur le quai avec ces valises et mon poignet amoché, qui en a justement profité pour devenir particulièrement douloureux, et sans mon billet qui m’aurait permis de monter dans un wagon. Mais Marie avait rejoint le wagon, et notre gentille et imposante provodnitsa l’a rassurée, le train ne pouvant partir tant qu’elle resterait sur le quai. Lorsque notre provodnitsa m’a vu approcher, elle a empoigné d’une main ferme la plus grosse de mes valises, libérant ainsi mon poignet qui me faisait maintenant atrocement souffrir; je l’aurais embrassée (mais je n’ai pas osé!). Je dois dire qu’elle a été gentille et d’une aide précieuse pendant tout ce voyage, même si son anglais était à peu près inexistant.
Rapidement, les collines des environs d’Irkoutsk ont fait place à la steppe plane qui se
déroulerait jusqu’à Moscou. Certes, le paysage n’est plus aussi
excitant. Mais la vie à bord devient particulière; contrairement à l’avion qui tout en nous retirant du monde s’extrait aussi du monde qu’il survole, le train nous extrait aussi du monde,
alors même que le monde continue cependant de nous entourer. C’est paisible, reposant, serein… Nous avions un peu plus d’expérience, et avant de partir d’Irkoutsk nous avions fait quelques provisions dont deux magnifiques filets fumés d’ombles du Baïkal; probablement le meilleur poisson fumé que j’ai mangé: encore un peu tendre et très peu salé… Ceci nous a permis de prendre quelques repas, dont les diners et les petits déjeuners dans note compartiment; le wagon restaurant était ordinaire comme il se doit, leur Strogonoff étant digne d’une cafétéria d’établissement scolaire.
Les brèves escales se suivent, annoncées par un tableau qui précise l’heure d’arrivée et de
départ de chacune; même si l’alphabet cyrillique est une variante de l’alphabet grec antique que j’avais jadis appris, je peinais l
aborieusement à lire chaque mot, sans pour autant en connaître la signification, sauf par les applications de traduction de mon Iphone. Au moins durant les escales et les environs des plus grandes villes, nous pouvions rejoindre le Web et je pouvais même répondre aux courriels de mon comité de Fondaction. Je rejoignais alors brièvement le monde…
Il n’y a pas de très grandes villes le long du transsibérien, sinon Novossibirsk, capitale
de
la Sibérie avec près de 2,000,000 d’habitants, que nous avons rapidement traversée quand même. Probablement une ville intéressante à visiter, mais nous avions des priorités et seulement cinq semaines pour notre périple entier. Malgré tout, il
demeurait intéressant de voir la
vie des petits villages et les maisons traditionnelles en bois, avec chacune son jardin potager. Mais en approchant de Moscou, j’ai remarqué que se multipliaient à la fois des petits villages très pauvres et aussi des datchas très imposantes.
Et nous étions quand même heureux d’arriver à Moscou, même si ce long périple ferroviaire n’avait pas été l’ennui que certains décrivent, mais plutôt une période de calme hors du temps.
Si vous le désirez, vous pouvez voir un choix de photos relatives à cette chronique en cliquant sur le lien suivant :
Photos Irkoutsk, Baïkal et Transsibérien
Et je vous parlerai bientôt de la conclusion de notre voyage : la belle et moderne capitale Moscou, Souzdal le joyau de l’anneau d’or russe, et la spendide cité impériale de Saint-Pétersbourg.
до свидания ! (do svidaniya !)